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PROJET KINOC




PRINCIPES DE RÉALISATION D'UNE NAVIGATION FLUVIALE KINSHASA-INGA-OCÉAN




Introduction

La construction du grand barrage d'Inga sur le fleuve Congo permet de rendre celui-ci navigable pour des convois fluviaux de 6000 tonnes entre l'Océan Atlantique et Kinshasa. En nous basant sur une série d'études et d'essais sur modèle effectués à l'Université de Liège entre 1972 et 1995, nous avons démontré la faisabilité d'une navigation fluviale sans rupture de charge depuis l'Océan jusque Ilebo et Kisangani, voire Kindu [3]. Nous avons également indiqué la possibilité d'un canal de navigation à grand gabarit dans le Kongo central [1].


Caractéristiques de la voie fluviale

Les résultats les plus significatifs des études mentionnées ci-avant sont les suivants :

ouvrages bas-congo

1 - Ouvrages proposés

Évolution récente du projet

Au cours des dernières années, plusieurs projets et réalisations de par le monde permettent de donner une vision moins utopique au projet Kinoc.

Ces différents éléments nous ont conduit à considérer désormais une liaison fluviale à grand gabarit entre Maluku d'une part et Banana d'autre part. Ceci autorise une relation fluviale de 560 km face à une relation routière de 650 km.
En ce qui concerne le canal du Kongo on a opté pour le rachat des chutes par des ascenseurs de 100 m de hauteur et des bacs de 200 m x 18 m x 4 m. De tels ouvrages permettraient le passage de convois composés de deux barges en flèche de 78,50 m x 17 m ayant 3 m de tirant d'eau. La charge utile de tels convois serait de 6000 t ou 672 conteneurs EVP, soit l'équivalent de quelque 300 camions ou trois trains. On peut estimer la capacité totale du canal à 32 Mt/a.
Quant au tracé, on a retenu deux options.

ouvrages bas-congo

2 - Tracés proposés

Les caractéristiques de l'option 1 sont :

canal à bief de partage

3 - Profil en long - option 1

Les caractéristiques de l'option 2 sont :

canal-option tunnels

4 - Profil en long - option 2

Seule une étude de faisabilité, basée sur des levers topographiques, bathymétriques et géotechniques approfondis, permettra de choisir la solution ayant le meilleur rapport coût/bénéfice.


La problématique Inga

La faisabilité économique du canal Kinshasa-Océan est liée à l'exploitation de l'énergie hydroélectrique résultant du barrage du Grand Inga. L'exploitation du débit minimal du fleuve à cet endroit permet d'obtenir une puissance de 42 GW et une production annuelle de 340 TWh.
Les atouts de cette énergie sont qu'elle est "verte", constante et bon marché.
La tendance actuelle est de passer directement à la construction d'Inga 3 haute chute de manière à satisfaire aux besoins immédiats de l'industrie minière congolaise et des clients africains demandeurs.
Dans ce contexte, les phases Inga 4 à Inga 8 restent disponibles pour de nouveaux investisseurs. On peut donc imaginer que l'électricité correspondante soit utilisée pour produire de l'hydrogène. Avec la technologie actuelle des électrolyseurs, on pourrait ainsi produire 4 Mt/a d'hydrogène. A plus long terme, en utilisant des électrolyseurs à haute température, la production augmenterait de 20%, conduisant ainsi à un chiffre d'affaire d'au moins 7 milliards de dollars par an.


Intérêt économique de la voie d'eau

Des rapports, relativement récents, de la Banque Mondiale et de l'ONG ELAN permettent de déduire que le transport fluvial sur le réseau actuel a un coût compris entre 0,04 et 0,07 USD/t.km, tandis que le coût du transport routier correspondant varie de 0,10 à 0,20 USD/t.km. Le différentiel moyen tourne autour de 0,10 USD/t.km. On notera cependant que le coût d'un transport fluvial à grand gabarit sur une voie canalisée peut descendre en dessous de 0,02 USD/t.km.
On peut donc estimer qu'une liaison à grand gabarit entre Maluku et Banana, dont le volume de trafic serait de 16 Mt/a (soit 50% du maximum possible), peut engendrer un bénéfice global de l'ordre de un milliard de dollars par ans. Les ouvrages nécessaires au projet Kinoc, dont on peut estimer le coût de réalisation à 9 - 11 milliards de dollars pourraient être amortis en une décennie, alors qu'ils sont conçus pour durer un siècle.

Cartographie et hydrographie

La réalisation d'une voie de navigation dans le fleuve exige de connaître avec précision les niveaux d'eau correspondant à tous les débits possibles. Des modèles mathématiques d'écoulement des cours d'eau,tels que WOLF, apportent des réponses précises à tous les cas de figure. Ils permettent notamment de prévoir les courants tourbillonnaires, les zones inondées et même les transports de sédiments.
Cependant, ils nécessitent de connaître la topographie du lit mineur et du lit majeur avec une précision, qui dans le cas présent devrait être de l'ordre du décimètre.
Les différentes méthodes permettant de définir le modèle numérique de terrain (ou MNT) requièrent, elles, des réseaux planimétriques et altimétriques de précision.


bornes géodésiques Bas-Congo

5 - Bornes géodésiques dans le Bas-Congo


Actuellement, six bornes géodésiques sont installées dans le Kongo Central entre Kinshasa et Muanda (fig. 5). Elles font partie d'un réseau de premier ordre de 35 bornes qui s'étend sur le tiers méridional du territoire de la RDC jusqu'au Katanga.
Ce réseau peut aisément être densifié pour permettre des levers topographiques et bathymétriques de précision dans toute la région s'étendant de Maluku à Banana. En ce qui concerne l'altimétrie, on veillera à y définir un géoïde de référence identique, nécessaire au calcul des différentes lignes d'eau à étudier.

Conclusion

Le projet KINOC est gigantesque, mais il reste à la mesure des moyens techniques et financiers de notre époque.
L'enjeu est colossal : développement de l'intérieur du pays, exploitation de nouvelles ressources, économie de transport, rentrée de devises, sauvegarde de l'environnement planétaire, etc.
Le projet exige cependant des études préalables qui, pour être sérieuses, prendront du temps : il faut tabler sur deux décennies au moins.
Par ailleurs, il ne s'oppose pas au projet de réseau national de chemins de fer : il lui est complémentaire. Toutes les grandes voies de communication en Europe et aux Etats-Unis, par exemple, associent parfaitement, sur un même itinéraire, la route, le rail et la voie d'eau. On notera cependant que cette dernière bénéficie actuellement d'un nouvel intérêt dans le cadre de la nécessaire transition énergétique exigée par le changement climatique global.

Références bibliographiques

  1. ARNOULD R., 2005. La canalisation du fleuve Congo à l'aval de Kinshasa : un défi pour le XXIème siècle. Bulletin de la Société géographique de Liège, N° 46. pp 99-117.
  2. BAGULA B., 1981. Contribution à l'étude des conditions d'exécution d'un barrage perméable selon la technique des pierres lancées. Etude théorique et expérimentale de la perméabilité. Etude expérimentale d'une coupure par avancement. Université de Liège - Maîtrise en sciences appliquées. 122 p.
  3. CUYPERS M., 1991. Construction de barrages mobiles et d'écluses sur le fleuve Zaïre - Tronçon non navigable de Kisangani à Ubundu. Universitè de Liège, projet final. 61 p., 5 plans.
  4. DEHOUSSE N.M., 1986. Récents développements dans le domaine de la construction des écluses de navigation. Bulletin de la Classe des Sciences de lAAcadémie Royale de Belgique. Tome LXXII, 5ème série, 12.


Contact
Dr-Ir Robert ARNOULD, chargé de cours honoraire ULiège.
Courriel : R.arnould@uliege.be

Mise à jour : 21 mai 2021.